Santé mentale des enfants et des jeunes

Mise en œuvre des plans d’action concertés interRAI pour améliorer les résultats des enfants et des jeunes exposés à la violence familiale

Introduction

Ce projet visait à établir des partenariats avec des prestataires de services afin de cerner les besoins et les difficultés particulières sur les plans du développement, des émotions et du comportement des enfants qui ont été exposés à la violence familiale et aux mauvais traitements (VFMT). L’équipe de recherche a visé à atteindre cet objectif par la mise en œuvre et l’évaluation d’un dépistage complet associé à la planification de soins fondée sur des données probantes afin d’intégrer les connaissances fondées sur les traumatismes dans la pratique et d’offrir aux enfants et aux jeunes de 4 à 18 ans un meilleur accès à des soins adaptés aux traumatismes.

En utilisant le système d’évaluation de la santé mentale des enfants et des jeunes (SMEJ) interRAI et les applications connexes (Stewart, Hirdes et coll., 2015; voir aussi www.interRAI.org) du point de vue des soins adaptés aux traumatismes, nous avons cherché à renforcer la capacité et la durabilité en formant des professionnels. (p. ex., infirmières, travailleurs sociaux, travailleurs en garderie) qui travaillent dans la collectivité (p. ex., dans des organismes de santé mentale, des hôpitaux et des écoles) pour mettre fin au cycle de la violence familiale ou de la violence à de multiples niveaux. Les facteurs ciblés pour l’intervention choisie étaient adaptés aux besoins individuels des enfants/jeunes et des familles et comprenaient divers protocoles de planification des soins comme l’attachement, le rôle parental, la détresse des aidants naturels et le fonctionnement de la famille. En fournissant une mobilisation des connaissances (p. ex., information et ressources) aux organismes communautaires, l’équipe de recherche comptait fournir de nouvelles données probantes fondées sur la recherche appliquée pour appuyer des programmes communautaires durables et efficaces. En plus de l’éducation, de la formation et du dépistage précoce des enfants exposés à la VFMT, cette intervention a été conçue pour réduire le cycle de la violence chez les enfants d’une collectivité socioéconomique à risque élevé et à faible revenu dans le but ultime de réduire la probabilité de VFMT.

Le système de SMEJ interRAI a été mis en œuvre et évalué en ce qui a trait à sa capacité de combler les lacunes existantes en offrant un système holistique pour cerner les besoins des enfants et des jeunes et des familles, afin que les interventions de planification des soins fondées sur des données probantes puissent être utilisées efficacement et lorsqu’elles sont requises. Ce système intégré évalue de façon exhaustive les problèmes médicaux, de développement, sociaux, familiaux et psychiatriques tout en fournissant des lignes directrices et des stratégies d’intervention cliniques fondées sur les pratiques exemplaires pour appuyer le transfert des connaissances et la mobilisation. Grâce à une approche d’intervention multimodale, multisectorielle et communautaire, plusieurs domaines de risque et de protection propres à une approche tenant compte des traumatismes ont été ciblés pour contourner la VFMT afin de favoriser l’amélioration des résultats en matière de santé. Cette approche améliore la détection précoce, la prévention et la surveillance des problèmes de développement et de santé mentale et l’intervention à cet égard, améliore l’uniformité et la continuité des soins et réduit les variations et les complexités du diagnostic et des soins souvent associés à l’utilisation de services multiples ou inappropriés. Cela peut, à son tour, améliorer les résultats de vie et détourner les enfants et les familles des voies menant souvent à la violence intergénérationnelle. Par conséquent, le recours à une évaluation exhaustive facilite la mise en œuvre de programmes communautaires durables et efficaces.

Contexte

L’exposition à la violence familiale et aux mauvais traitements faits aux enfants (c.-à-d. violence physique, psychologique ou sexuelle ou exposition à la violence familiale) a des conséquences importantes sur la santé mentale des enfants. Les mauvais traitements infligés aux enfants ont des conséquences sur le fonctionnement dans plusieurs domaines : cognitif (p. ex., Masson et coll., 2016; Masson et coll., 2015), universitaire (p. ex., Fry et coll., 2017; McGuire et Jackson, 2018), socioémotionnel et comportemental (p. ex., Stewart et coll., 2022). La recherche a également révélé que les enfants ayant subi des traumas sont plus susceptibles d’avoir recours aux services de soins de santé et de soutien mental que les enfants qui n’ont pas vécu de traumatisme (p. ex., Daigneault et coll., 2017). De plus, la polyvictimisation des enfants (c.-à-d. l’exposition à de multiples types et incidents de traumatisme; Stewart et coll., 2021) est associée à une plus grande présentation des symptômes (Stewart et coll., 2021), à l’urgence des besoins de services de santé mentale (Marshall et coll., 2020) et au recours à plus d’un organisme de service (Briggs et coll., 2013). Bien que les organismes communautaires aient un rôle important à jouer dans la promotion de la santé mentale de ces enfants, l’absence d’un cadre fondé sur des données probantes et tenant compte des traumatismes limite ces bienfaits potentiels.

De même, les organismes de santé mentale qui fournissent des services (p. ex., des interventions comportementales) avec peu de reconnaissance du traumatisme subi n’ont pas l’effet qu’ils auraient pu avoir autrement. Bien que les interventions qui favorisent la santé de la petite enfance chez les enfants et les jeunes exposés à la VFMT génèrent des retombées économiques importantes pour la société (Schweinhart et coll., 2005), avant ce projet, il n’y avait pas de prestation systématique et coordonnée de dépistage, d’évaluation et d’intervention en santé mentale pour les enfants à risque élevé et leurs familles.

L’objectif de ce projet était d’utiliser le système d’évaluation interRAI de la santé mentale des enfants et des jeunes et les applications connexes (Stewart, Hirdes et coll., 2015; voir aussi www.interRAI.org) du point de vue des soins adaptés aux traumatismes, pour non seulement fournir un soutien adapté au développement aux organismes communautaires qui disposent de ressources adaptées au traumatisme, mais aussi pour améliorer et élargir l’intégration dans l’ensemble des services communautaires qui mettent particulièrement l’accent sur les modèles de collaboration. De plus, nous avons cherché à améliorer l’intégration des services en fournissant aux professionnels de divers secteurs de services un langage commun utilisant l’approche de prestation de services de SMEJ interRAI et son approche connexe de soins adaptés aux traumatismes.

Principales activités et produits livrables (public cible du projet)

- Les praticiens de la santé mentale des enfants et des jeunes ont participé à la formation sur les soins interRAI adaptés au traumatisme (n = 247)
- Organismes de santé mentale du Sud-Ouest de l’Ontario (n=16)
- Jeunes de 4 à 18 ans exposés à la VFMT (n = 11 903)

Résultats du projet

Prestataires de soins de santé des organismes participants

- 100 % ont signalé des changements dans leurs connaissances ou leurs compétences (n=110)
- 89 % des professionnels/prestataires de services qui ont trouvé les produits de connaissance ou les événements utiles (n=28)
- 75 % des professionnels/prestataires de services signalent des changements de comportement (n=28)

Avant et après l’achèvement de la formation normalisée interRAI adaptée aux traumatismes sur les 30 plans de soins cliniques des SMEJ interRAI, des prestataires de soins de santé multidisciplinaires (p. ex., cliniciens, travailleurs sociaux, thérapeutes) des organismes de santé mentale participants ont rempli le questionnaire Attitudes à l’égard des soins adaptés aux traumatismes (ARTIC-45; Baker et coll., 2016) qui mesure les attitudes des répondants à l’égard des soins adaptés aux traumatismes. La formation a pris environ 8 heures et varie selon le style et l’approche d’apprentissage des participants.

Lors de l’étude des résultats avant et après pour l’utilisation de tests t d’échantillons appariés, les résultats ont mis en évidence que les prestataires de soins de santé ont modifié leurs croyances pour a) refléter que les traits de leurs clients enfants et jeunes sont plus malléables et externalisés; b) mettre davantage l’accent sur la sécurité, la souplesse et des relations saines lorsqu’on travaille avec des clients qui ont fait l’expérience de VFMT; c) adopter une approche plus empathique des comportements pour les clients qui ont été exposés à un événement traumatisant. Enfin, les résultats ont mis en évidence un changement important dans l’auto-efficacité des prestataires de services de soins de santé pour ce qui est de répondre aux besoins d’un client traumatisé. Dans l’ensemble, la formation interRAI adaptée aux traumatismes a aidé les cliniciens des organismes de santé mentale de l’Ontario à changer leurs croyances et leurs pratiques pour une utilisation plus favorable des soins adaptés aux traumatismes auprès de leurs enfants, de leurs jeunes et de leurs tuteurs.

De plus, un sous-ensemble de prestataires de services a participé aux groupes de discussion et aux entrevues. Les fournisseurs ont indiqué que la formation appuyait leur utilisation des soins adaptés aux traumatismes, aidait à la mise en œuvre des soins adaptés aux traumatismes dans leurs organismes et encourageait la promotion de la prestation de services en temps utile aux clients. Les implications de ces résultats soulignent que la formation interRAI adaptée aux traumatismes a aidé à changer le paysage des soins pour les enfants, les jeunes et leurs tuteurs qui ont été victimes de violence familiale et de mauvais traitements.

Changements organisationnels

100 % des gestionnaires interviewés dans les organismes participants

(n = 8) ont noté des changements à la politique et aux pratiques organisationnelles.

Huit entrevues individuelles ont été menées auprès de participants au projet qui occupaient un poste de gestion et qui supervisaient le projet dans leur organisme respectif. Trois constatations clés au niveau organisationnel ont découlé de la participation des prestataires de services de soins de santé au projet : a) amélioration de la politique et de la pratique organisationnelles en matière de soins adaptés aux traumatismes chez les enfants et les jeunes touchés par les traumatismes; b) la participation au projet a facilité le dépistage précoce et l’aiguillage appropriés de l’enfant (et a aidé au triage et à la priorisation des besoins en santé mentale de l’enfant ou du jeune); c) intérêt accru à l’égard de l’utilisation généralisée de la formation en SMEJ et en soins adaptés aux traumatismes pour réduire la redondance de l’information recueillie à partir d’évaluations non normalisées.

Enfant et jeune ayant des antécédents de traumatisme au moment où l’évaluation de SMEJ interRAI a été réalisée et qui a effectué plusieurs évaluations de

SMEJ interRAI (entre 30 et 365 jours plus tard) après que les professionnels de la santé aient suivi la formation sur les soins adaptés au traumatisme.

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Les résultats de ce projet indiquent qu’il est important de tenir compte des diagnostics existants, des forces individuelles et relationnelles, de l’âge, du sexe et des facteurs de prestation de services en ce qui a trait à l’incidence sur les taux d’amélioration. Dans l’ensemble, cela souligne la nécessité d’une évaluation
normalisée et exhaustive pour évaluer adéquatement les besoins et planifier les soins. La planification des soins comprend l’acquisition d’une compréhension globale des antécédents, des déclencheurs et des réactions du client en matière de traumatisme, l’élaboration de plans de sécurité, la détermination du niveau de menace que représentent les réactions traumatiques pour la sécurité du client, la participation à la prise de décisions communes et l’établissement d’un but, l’établissement de conditions de vie sûres et sécuritaires, la mise en contact des clients avec des « adultes sûrs », la mise en pratique de stratégies
d’adaptation adaptative, le remplacement de stratégies d’adaptation inadaptées par des stratégies adaptatives, la transmission de l’espoir et de l’autonomie et la détermination et la promotion de capacités résilientes.

Prochaines étapes

Mme Stewart et son équipe cherchent activement des fonds supplémentaires pour favoriser une adoption pancanadienne du système d’évaluation de la santé mentale des enfants et des jeunes interRAI, soins adaptés aux traumatismes. Plusieurs provinces au Canada (l’Île-du-Prince-Édouard, Terre-Neuve-et-Labrador, la Colombie-Britannique, la Nouvelle-Écosse et le Manitoba) et des pays étrangers (p. ex., l’Inde) ont manifesté de l’intérêt pour les aspects des SMEJ interRAI et des soins adaptés aux traumatismes qui correspondent à leurs besoins provinciaux.

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