NATO’ WE HO WIN: Rapport Final

Préambule

Nato’ we ho win est un programme d’intervention novateur qui vise à améliorer la santé mentale et physique des femmes victimes de violence conjugale (VC) qui s’identifient comme Autochtones. Nato’ we ho win (prononcé « natawayhowin ») est un mot cri qui peut être traduit par « art de l’auto‑guérison ». Il s’agit d’un programme artistique et culturel qui tient compte des traumatismes et de la violence. Les participants prennent part à des activités culturelles et créatives où ils améliorent leurs compétences en matière de gestion du stress, élargissent leurs réseaux de soutien social et leurs connaissances de la culture autochtone traditionnelle, et discutent des enjeux sociaux et de santé en lien avec la violence conjugale.

Contributions financières et en nature

Nato’ we ho win a bénéficié du soutien de l’Agence de la santé publique du Canada dans le cadre de l’investissement Contribuer à la santé des survivants de la violence familiale (contribution n° 1617‑HQ‑000035). L’Agence de la santé publique du Canada a fourni 637 602 $ entre octobre 2016 et mars 2021. Les espaces pour les programmes destinés aux groupes nato’ we ho win ont été fourni par le musée et la galerie d’art de Moose Jaw, ainsi que par l’Université de Régina au sein de son Pavillon de guérison et clinique de mieux‑être (Healing Lodge and Wellness Clinic) Nanatawihowikamik. Des contributions en nature ont également été fournies par l’équipe de recherche et par la Provincial Association of Transition Houses and Services of Saskatchewan (PATHS).

Partenaires et collaborateurs

Les organismes membres de la PATHS (refuges et services pour victimes de violence familiale) et d’autres organismes de soutien des victimes/survivantes de VC à Regina, Moose Jaw et Prince Albert ont fourni des liens avec des professionnels agissant à titre de défenseurs des victimes de violence familiale, ont partagé de l’information sur le programme et ont référés des clients, et étaient disponibles pour fournir un soutien ou de l’information supplémentaire aux participants au programme, le cas échéant.

La Dre JoLee Sasakamoose a fourni des conseils sur la méthodologie de recherche autochtone, embauché des assistants de recherche pour le projet et collaboré à l’application des connaissances. Le Dr R. Nicholas Carleton a fourni des conseils sur la méthodologie quantitative et l’analyse des données quantitatives, en plus de collaborer à l’application des connaissances.

Contexte       

Le taux de VC déclaré par la police en Saskatchewan est systématiquement plus du double du taux national. Les données de Statistique Canada indiquent que les femmes autochtones sont trois fois plus susceptibles d’être victimes de VC que les femmes non autochtones, et qu’elles ont tendance à subir des formes plus graves de VC que les femmes non autochtones. Environ 16 % des femmes de la Saskatchewan sont autochtones; cependant, en une seule année (2019‑2020), la majorité (75 %) des femmes qui ont eu accès aux refuges pour victimes de VC de la Saskatchewan étaient des Autochtones. Les femmes autochtones qui cherchent du soutien auprès des organismes de lutte contre la VC ont souvent vécu de multiples expériences traumatisantes, notamment des abus physiques, sexuels, émotionnels, psychologiques, spirituels et financiers. Pour de nombreuses survivantes autochtones, l’impact de la VC est exacerbé par les traumatismes liés à l’histoire de la colonisation et des pensionnats du Canada.

Notre objectif était de mettre au point une intervention qui tient compte des traumatismes et de la violence qui serait bénéfique pour les femmes autochtones qui ont subi de la VC. Les recherches menées à ce jour démontrent les effets positifs des arts ainsi que des programmes culturels en tant qu’interventions auprès des survivantes de violence et de traumatismes. L’objectif de nato’ we ho win était de combiner ces deux approches en vue de créer une intervention culturelle et artistique efficace pour les femmes autochtones ayant subi de la VC. Nous espérions que le fait de reconnecter les femmes autochtones avec leurs connaissances culturelles et leurs croyances spirituelles dans un cadre de groupe permettrait de renforcer la résilience, d’élaborer des systèmes de soutien et d’améliorer la santé et le mieux‑être en général.

Activités et résultats clés

Élaboration du programme

Un concept centré sur les cérémonies, nato’ we ho win a été conçu et élaboré par Barbara Frazer, éducatrice en savoir autochtone. Nato’ we ho win est orienté par Norma Rabbitskin et Willie Ermine, tous deux gardiens du savoir autochtone. Nato’ we ho win se présente sous forme de séances de groupe hebdomadaires de trois heures pendant treize semaines pour refléter les enseignements de la Grand‑mère pour chacune des treize lunes de l’année. L’intervention a été conçue pour être facilement reproduite dans d’autres communautés et contextes, et favorise l’utilisation des langues, des enseignements, des matériaux et des formes d’art locaux.

Mise en œuvre du programme

Nato’ we ho win a été mis à l’essai à Moose Jaw de mars à mai 2017. Les séances de groupe se sont ensuite déroulées simultanément trois fois chacune dans trois communautés (Moose Jaw, Régina et Prince Albert) à l’automne 2017, à l’hiver 2018 et à l’automne 2018.

Trois membres de l’équipe sont présents à chaque séance de groupe : l’animateur, un aîné ainsi qu’un défenseur des droits des victimes de VC. Les aînés entament chaque séance par une prière, suite à quoi ils proposent des enseignements culturels et se mettent à la disposition des participantes pour leur offrir soutien et conseils. Les défenseurs des droits des victimes de VC s’occupent des questions logistiques (notamment l’accueil, la communication avec les participantes entre les séances et l’organisation du transport), aident les participantes à planifier leur sécurité et fournissent des références ou un soutien. Au cours des neuf séances de groupe menées en Saskatchewan, ces défenseurs ont également participé à la collecte des données de recherche. Le transport, la garde des enfants et un repas étaient fournis chaque semaine.

Les projets artistiques étaient assortis d’activités d’autosoins axées sur l’autonomisation, la connexion holistique et le partage en cercle. Les activités artistiques comprenaient la peinture murale, la tenue d’un journal visuel et des travaux manuels autochtones, notamment la couture, la broderie perlée et l’utilisation de médicaments traditionnels pour préparer du thé et des pommades. Les protocoles autochtones comme la prière, la purification par la fumée et les offrandes de tabac faisaient partie intégrante du processus.

Partenaires et collaborateurs

Parmi les partenaires du programme, notons des organismes membres de la PATHS, des gardiens du savoir autochtone (Barbara Frazer, Norma Rabbitskin et Willie Ermine) ainsi que les docteurs JoLee Sasakamoose et R. Nicholas Carleton de l’Université de Régina. Les équipes de projet des communautés de Prince Albert, Moose Jaw et Regina étaient composées d’aînés, d’animateurs/artistes, de défenseurs des droits des femmes victimes de VC, d’organisateurs de services de garde d’enfants, de gardiens d’enfants supplémentaires et de personnes ayant aidé à la préparation des repas. Des assistants de recherche dans chaque communauté ont collecté les données.

Recherche interventionnelle

Une recherche a été menée auprès des participantes de neuf groupes en Saskatchewan afin d’évaluer l’effet de la participation à l’initiative nato’ we ho win sur le sentiment de mieux‑être des femmes autochtones. Il s’agissait de questionnaires d’autoévaluation remplis par les participantes à l’admission (avant de commencer le programme nato’ we ho win), à l’issue de l’intervention (semaine 12), et un an après la fin du programme. Une évaluation comportant des questions sur la durée de l’intervention et les soutiens offerts, comme la garde d’enfants et le transport, a été remplie par les femmes à la douzième semaine. Des groupes de discussion organisés sous forme de cercle de partage ont eu lieu à la douzième semaine et un an après la fin du programme.

Les questionnaires d’autoévaluation comportaient des questions démographiques et plusieurs mesures validées du mieux‑être (expérience de la VC, stress post‑traumatique, dépression, anxiété généralisée, qualité de vie, agentivité personnelle, agentivité interpersonnelle, résilience, connectivité et croissance post‑traumatique). Les questions posées lors des groupes de discussion visaient à savoir comment les femmes se sentaient par rapport à leur mieux‑être émotionnel, spirituel, mental et physique avant et après leur participation à l’initiative nato’ we ho win. Un an plus tard, nous avons demandé aux femmes si elles avaient continué à prendre part à des activités culturelles et créatives et si elles avaient l’impression d’avoir pu maintenir des changements positifs depuis qu’elles avaient terminé le programme nato’ we ho win.

Résultats de recherche

Les résultats quantitatifs fondés sur plusieurs mesures validées du mieux‑être indiquent que, dans l’ensemble, les iskwêwak (mot cri signifiant « femmes ») ont signalé une augmentation de leur résilience, de leur autonomie personnelle, de la connectivité et de la croissance post‑traumatique entre l’admission au programme nato’ we ho win et un an après son achèvement. Les participantes ont fait état d’une diminution statistiquement significative de leur anxiété et de leur dépression autodéclarées entre l’admission et un an après la fin du programme.

Lors de l’évaluation du programme, on a demandé aux participantes dans quelle mesure elles avaient trouvé le programme utile. Sur une échelle de 1 à 10, 86 % ont attribué une note de 8 ou plus, la majorité ayant choisi 10. Une question ouverte demandait aux participantes quelles étaient les parties de ce programme qu’elles trouvaient les plus utiles. Dans leurs réponses, les participantes ont mentionné les enseignements culturels, les activités artistiques, les cercles de partage et les liens sociaux. La majorité (90 %) des participantes qui ont rempli l’évaluation ont déclaré qu’elles recommanderaient le programme nato’ we ho win à d’autres femmes.

Dans les cercles de partage, les iskwêwak ont partagé plusieurs façons dont les enseignements et les pratiques qu’elles ont appris et les compétences qu’elles ont acquises dans le cadre du programme nato’ we ho win les ont aidées à être plus résilientes. Les participantes ont maintenu ces compétences et pratiques après la fin de l’intervention. Dans l’ensemble, les iskwêwak ont déclaré se sentir plus heureuses et avoir une vision plus positive des choses. Elles ont exprimé un meilleur sentiment d’équilibre et de lucidité et ont fait état d’une amélioration des pratiques d’autosoins et d’une meilleure gestion de leurs routines quotidiennes.

« Je suis contente d’être venue ici. J’ai participé à ces groupes pour me retrouver avec d’autres Autochtones, pour apprendre la culture et la pratiquer. Je me sens mieux à cause de ça. Je me sens à nouveau entière. Et cela m’aide tous les jours; je m’occupe des enfants, je vais à l’école, et je suis capable de gérer mon stress… » [Traduction libre]

Le soutien obtenu et les compétences acquises dans le cadre de nato’ we ho win ont aidé les iskwêwak à se sentir plus indépendantes, ce qui constitue un facteur de protection pour vivre sans violence. Elles ont déclaré qu’elles avaient désormais le sentiment d’avoir la force et le soutien nécessaires pour éviter de retourner auprès de partenaires violents et pour se recentrer sur elles‑mêmes sans rechercher une nouvelle relation intime.

« Le fait de faire partie de ce groupe m’a aidée à voir que je ne suis pas seule et que nous sommes toutes à des étapes différentes de notre vie. Ça rend la vie supportable. Il y a eu des problèmes pendant le groupe, et le fait d’être ici m’a vraiment, vraiment beaucoup aidée sur les plans émotionnel et mental à lâcher prise, à avoir un cercle sûr pour partager cette information, et à me sentir soutenue, donc je me sens beaucoup mieux au sein du groupe. » [Traduction libre]

Les participantes ont également évoqué des améliorations dans l’autogestion et dans leurs routines quotidiennes. Plus précisément, les iskwêwak ont parlé d’« équilibre » et ont mentionné qu’elles prenaient désormais soin de leur santé physique, notamment en mangeant régulièrement et en consommant des aliments plus sains. Elles ont en outre décrit une amélioration de leurs habitudes de sommeil et la facilité avec laquelle elles se lèvent le matin. Il est devenu plus facile de s’occuper des enfants. Plusieurs participantes ont déclaré avoir arrêté ou réduit leur consommation de substances. Il est également apparu que les activités culturelles et d’arts expressifs ainsi que les cercles de partage au sein des groupes ne profitaient pas seulement aux femmes participantes, mais aussi à leurs enfants. Les iskwêwak ont fait état d’une plus grande efficacité parentale et de relations plus positives avec leurs enfants et déclaré qu’elles prévoyaient transmettre à leurs enfants les compétences acquises dans le cadre du programme nato’ we ho win.

Le développement de saines relations de soutien avec d’autres femmes est un autre thème central. Les liens sociaux établis par le partage au sein du groupe ont aidé les iskwêwak à surmonter l’isolement, à favoriser des limites saines et à créer un sentiment de communauté. Les participantes ont évoqué le climat de confiance qui s’est établi au sein du groupe ainsi que leur appréciation des relations sociales positives que cela a créées. Dans certains cas, les relations ainsi établies se sont maintenues après l’issue du programme nato’ we ho win. En participant à nato’ we ho win, beaucoup d’iskwêwak ont été initiées pour la première fois aux enseignements et aux pratiques culturelles autochtones. Les participantes ont décrit comment ces enseignements ont insufflé force en elles force et fierté. Elles ont également puisé leur force dans les pratiques spirituelles, comme la purification par la fumée et la prière, et ont intégré ces pratiques dans leur vie à la maison. Ces pratiques ont enrichi le sentiment de stabilité des participantes.

Les iskwêwak ont parlé de manière positive des diverses activités artistiques et de construction manuelle qui faisaient partie des différents groupes nato’ we ho win. En outre, certaines participantes ont déclaré que, même si l’apprentissage de nouvelles compétences était un défi, cela leur a permis de devenir plus patientes et de prendre conscience d’elles‑mêmes dans un nouveau domaine.

« Cela m’a appris la patience, que je peux faire quelque chose de beau simplement avec mes mains. » [Traduction libre]

Les activités artistiques ont aidé les iskwêwak à se détendre et à accroître leur sentiment général de sérénité. Certaines iskwêwak ont également déclaré que les activités artistiques culturelles, comme la broderie perlée, leur permettaient d’occuper leur temps libre à la maison de manière positive, alors qu’elles se tournaient auparavant vers des stratégies d’adaptation plus négatives. Les participantes ont parlé de leur désir de continuer à prendre part à des pratiques créatives et d’enseigner ces compétences à d’autres.

Application des connaissances

1 – Manuel du programme avec guide de l’animateur

6 – Vidéos

4 – Présentations de type conférence

2 – Webinaires

4 – Communications par affiches

3 – Rapports de recherche

6 – Articles de presse

 

Résultats des projets

Les résultats de nos recherches fournissent une première preuve de l’efficacité de nato’ we ho win pour favoriser la guérison d’un échantillon de femmes autochtones ayant subi de la VC et viennent ajouter à l’ensemble des connaissances qui démontrent l’importance des interventions culturelles et des programmes axés sur les enseignements des gardiens du savoir ainsi que des aînés autochtones. Le programme nato’ we ho win a été conçu en tant qu’intervention à court terme pour aider les femmes autochtones à renforcer leur résilience et à guérir de la VC. Les résultats de nos recherches indiquent que cet objectif a été atteint. Ceci dit, de nombreuses participantes ont exprimé le souhait que le groupe se poursuive. Les femmes ont parlé du soutien qu’elles ont reçu des autres femmes et de l’équipe d’intervention (animatrice, aînée et défenseur des droits des victimes de violence conjugale). Il apparaît clairement que les occasions de tisser des liens communautaires et avec leur culture ainsi que de prendre part à des activités créatives peuvent aider les femmes autochtones qui ont subi de la VC à renforcer leur résilience et à guérir de leur traumatisme.

Les prochaines étapes

Le projet dans son itération actuelle a produit plusieurs résultats concrets. Le manuel du programme et le guide de l’animateur sont désormais à la disposition des organismes et communautés qui souhaitent offrir le programme nato’ we ho win. L’intervention peut être adaptée pour correspondre aux enseignements et aux méthodes de guérison de l’animateur, de l’aîné et de la communauté. Les membres de l’équipe s’efforcent par divers moyens de partager le manuel et le guide, ainsi que les résultats de recherche afin que cette information puisse servir d’autres personnes désireuses de faciliter le processus nato’ we ho win.

Continuation de nato’ we ho win

À l’issue de nato’ we ho win, les participantes et les membres de l’équipe d’intervention du groupe de Moose Jaw ont continué à se réunir pour s’adonner à des enseignements culturels, à la broderie perlée et au soutien social. Elles ont perlé des capes traditionnelles qui ont été exposées à la galerie d’art de Moose Jaw en février 2020. Une deuxième exposition, qui a eu lieu en octobre 2020, présentait d’autres œuvres de ce groupe de femmes.

La Dre JoLee Sasakamoose travaille actuellement à l’adaptation du modèle de soins nato’ we ho win en vue de sa mise en œuvre auprès d’un groupe de femmes autochtones qui suivent un traitement contre l’hépatite C.

Nous espérons que le programme nato we ho win se poursuivra, sous une forme ou une autre, dans les communautés de la Saskatchewan où il a été initialement présenté. Nous espérons également qu’il continuera d’être adapté à différentes communautés et à divers contextes culturels.