P.E.A.C.E : Rapport Final
Introduction
Nous tenons à remercier les membres de notre personnel et les participantes à nos groupes externes : Massey Centre for Young Mothers, Pape Adolescent Resource Centre, Ambassador School Program, Sojourn House et Yorktown Child and Family Services, qui ont intégré le projet P.E.A.C.E. dans leur communauté et à leur offre de programmes.
Nous remercions les membres de notre comité consultatif pour leur temps et leur expertise; le Service de lutte contre la traite des êtres humains de la Covenant House de Toronto, les Native Child and Family Services, le Pape Adolescent Resource Centre (CAS), les East Metro Youth Services et le Boost Children & Youth Advocacy Group, les Turning Point Youth Services, le Native Women’s Resource Centre de Toronto pour leur orientation, leur promotion et leurs conseils.
Nous remercions le Knowledge Hub de la Western University pour son soutien constant, pour ses possibilités d’apprentissage et de partage, ainsi que pour la création de points de rencontre avec des projets à travers le pays.
Enfin, nous tenons à remercier de tout cœur notre partenaire de recherche, le Centre de toxicomanie et de santé mentale, pour avoir été à l’écoute des besoins des jeunes qui ont permis de définir des pratiques prometteuses.
Objectif du projet
Lancé en 2017, le projet P.E.A.C.E. a été élaboré dans le but de promouvoir la santé et la résilience des jeunes de 16 à 24 ans qui s’identifient en tant que femmes et qui ont subi de la violence fondée sur le sexe, y compris des problèmes d’itinérance et d’exploitation sexuelle. L’approche propose un modèle dirigé par des pairs faisant appel à des pratiques qui tiennent compte des traumatismes, à la psychoéducation et à des activités artistiques. Les groupes se réunissaient une fois par semaine pendant deux heures sur une période de 12 à 16 semaines. Pour comprendre l’impact du programme et si celui‑ci est acceptable, l’intervention a été évaluée par le Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH), affilié à l’Université de Toronto, selon une démarche à méthodes mixtes. Les participantes au programme (n=70) ont été recrutées parmi les utilisatrices successives du projet P.E.A.C.E. pour participer à l’évaluation (Bani‑Fatemi, Reid, Stergiopoulos, 2020).
Contexte
La violence fondée sur le sexe (VFS) à l’encontre des femmes et des filles, en particulier celles en situation d’itinérance, est malheureusement une expérience courante, et peu d’interventions sont en place pour appuyer les survivantes. Trente pour cent des jeunes Canadiens en situation d’itinérance auraient été exploités sexuellement. Dans une étude menée par Covenant House New York (2013), 11 % des jeunes itinérants répondent à la définition d’une personne sexuellement exploitée. Si l’on considère que la Covenant House de Toronto accueille à elle seule 3 000 jeunes et jeunes adultes par an, cela représente une part importante de notre clientèle et des jeunes vulnérables qui vivent dans les rues du Canada. Les recherches effectuées jusqu’à présent afin de déterminer les pratiques exemplaires et les interventions appropriées pour cette population sont limitées. De plus, on constate une absence de cadres provinciaux et nationaux ainsi que de lignes directrices sur les pratiques exemplaires pour aborder la question de l’exploitation sexuelle des filles et des femmes.
Le modèle de notre programme s’inspire de visites sur place dans le cadre d’interventions de programmes existants ainsi que des divers thèmes qui sont apparus comme constants dans toutes ces interventions : 1) la nécessité d’établir des réseaux et des partenariats officiels avec des groupes et des organismes communautaires; 2) l’importance de soutenir les victimes d’exploitation sexuelle qui effectuent leur transition vers l’autonomie; 3) la nécessité de se doter d’équipes multidisciplinaires complètes pour répondre aux besoins propres à cette population; 4) la réussite dépend de la promotion des résultats en matière de santé en utilisant une approche des soins fondée sur les forces, l’habilitation et la résilience. L’un des programmes de transition que nous avons évalués, Gems New York, a mis au point un modèle de leadership des survivants, et c’est de ce modèle que leurs programmes s’inspirent. Ce modèle de leadership « transformationnel » cherche avant tout à habiliter les victimes en faisant appel à des pairs mentors qui ont vécu des expériences semblables afin d’orienter et d’appuyer les victimes récentes.
Le soutien par les pairs est axé sur le principe de l’« autonomisation mutuelle » (Miller et Striver, 1997), qui vise à soutenir les individus par le respect mutuel, l’expérience commune et la compréhension partagée (Mead, Hilton et Curtis, 2001). Par conséquent, le soutien par les pairs revient souvent dans le cadre des programmes qui tiennent compte des traumatismes en tant que moyen d’appuyer les victimes et d’établir des relations saines (Atkinson, 2013).
Activités et extrants principaux
Le projet s’adresse principalement aux jeunes filles et aux jeunes s’identifiants en tant que femme, âgées de 16 à 24 ans qui se sont adressées à la Covenant House de Toronto pour obtenir un soutien et des services à la suite d’une expérience d’itinérance et (ou) d’exploitation sexuelle. À mesure que le projet élargissait son champ d’action aux organismes communautaires ci‑dessous par l’intermédiaire de groupes externes, des jeunes mères, des réfugiées, des jeunes en transition de l’aide à l’enfance et des jeunes hommes ont rejoint le programme. Au total, 189 jeunes ont pu bénéficier du projet.
L’auditoire secondaire comprenait des professionnels de la santé, des partenaires communautaires, des organismes sans but lucratif, des décideurs politiques, des professionnels du droit et des pédagogues. Le projet a permis de partager des connaissances acquises sur les obstacles à la santé des participantes et sur la meilleure façon de soutenir la santé et le mieux‑être des jeunes qui s’identifient en tant que femmes et qui ont subi de la violence fondée sur le sexe.
Emplacements géographiques : Covenant House, centre‑ville de Toronto Nord/Ouest : le Jane Hub chez Yorktown Child & Family Services. Sud/Est : Sojourn House. Est : Le centre Massey pour les jeunes mères, le programme scolaire Ambassador, le Pape Adolescent Resource Centre.
Les principales activités de diffusion et d’échange de connaissances suivantes ont été réalisées :
- Une formation sur les traumatismes et la violence a été dispensée aux bénévoles et aux pairs mentors.
- Le cadre du projet P.E.A.C.E. a été élaboré et partagé aux partenaires de la communauté.
- Un manuel pour la formation et l’animation sur la sensibilisation et la résilience face à la traite des êtres humains à des fins sexuelles dirigées par des survivants (survivor‑led Sex Trafficking Awareness and Resiliency Training and Facilitator’s Manual) a été élaboré
Manuscrits et articles de journaux
- P.E.A.C.E. : Trauma‑Informed Psychoeducation for Female‑Identified Survivors of GBV
- Implementing a trauma‑informed intervention for homeless female survivors of gender‑based violence: Lessons learned in a large Canadian urban centre
- Promoting Wellness and Recovery of Young Women Experiencing GBV and Homelessness: The Role of Trauma‑Informed Health Promotion Intervention
- Supporting Female Survivors of Gender‑Based Violence Experiencing Homelessness: Outcomes of a Health Promotion Psychoeducation Group Intervention
Présentations
- Conférence annuelle de l’Association des psychiatres du Canada, septembre 2019
- Conférence Recovery and refocus de 2019 à Nottingham, au Royaume‑Uni
- Conférence 2020 (virtuelle) de l’Association canadienne de santé publique (ACSP), Promoting Wellness and Recovery of Young Women Experiencing Sex‑Based Violence and Homelessness: The Role of Trauma‑Informed Health Promotion Interventions
- Congrès (virtuel) de l’Association canadienne de physiothérapie (ACP) Congress 2020 (Virtual), Supporting Female Survivors of Gender‑Based Violence Experiencing Homelessness: Outcomes of a Health Promotion Psychoeducation Group Intervention
- Conférence 2020 (virtuelle) de l’American Public Health Association (APHA), compte rendu de recherche présenté par le Centre de connaissances, Western University
Vidéos
Principaux premiers résultats des stratégies habilitantes du soutien à l’engagement
Portée à l’interne et à l’externe auprès des refuges et des organismes partenaires – L’atteinte de participantes de plusieurs organismes d’aide aux jeunes sans‑abri et l’ouverture d’un dialogue avec celles‑ci ont été parmi les premiers succès du programme, selon le personnel du programme, les administrateurs et les pairs mentors « Parfois (…), le fait d’avoir déjà établi des relations au sein de l’organisme m’aidait à tisser de nouveaux liens avec différentes parties de ce même organisme. J’ai donc déployé beaucoup d’efforts au sein de ces organismes pour attirer des participantes au programme. » [Traduction libre]
Un espace accueillant – Le personnel et les usagers ont souligné à quel point il est essentiel d’établir un espace accueillant et respectueux afin de susciter l’engagement. Afin de maintenir cet engagement, divers obstacles à la participation ont été pris en compte, notamment en fournissant des jetons de transport public, en proposant des activités en soirée, en assurant la disponibilité par téléphone du coordonnateur du groupe après les heures d’ouverture, et en envoyant des rappels sous forme de messages dans un groupe de discussion.
Élaboration conjointe, autonomisation et choix – Les utilisateurs et les prestataires des services ont souligné que l’élaboration conjointe, l’autonomisation et le choix constituaient des éléments clés de l’intervention. Afin d’accroître la pertinence et de promouvoir l’autonomisation ainsi que le choix des participantes, l’intervention a été élaborée avec la participation des usagers des services. « (…) je n’ai jamais vraiment eu mon mot à dire dans mes relations antérieures. J’avais l’habitude de rester tranquille. Maintenant, je me dis simplement que je dois le faire pour moi. Pour moi, mais aussi pour mon bébé, car j’attends un enfant. (…) Les intervenants m’ont vraiment aidée à me tenir debout. » [Traduction libre]
Maintenir la sécurité et renforcer l’apprentissage – Afin d’assurer un maximum de sécurité émotionnelle, une attention a été accordée aux processus individuels et de groupe. Les participantes qui ont elles‑mêmes exposé leurs propres antécédents de traumatisme ont fait état d’une expérience généralement positive, y compris un sentiment de validation et de reconnaissance d’expériences partagées, ainsi qu’une transformation au niveau cognitif et affectif du traumatisme. Cependant, certaines usagères ont indiqué comment les révélations des autres participantes ou le contenu divulgué dans certains groupes ont provoqué une certaine détresse chez eux.
Tirer le meilleur parti des expériences vécues – L’un des éléments clés de l’intervention était le mentorat par les pairs, celui‑ci étant favorisé par la création d’une cohésion de groupe ainsi que par l’animation conjointe du groupe par des pairs mentors formés. La cohésion du groupe est attestée par le partage et la mise en valeur d’expériences communes, ainsi que par le sentiment d’espoir et l’effet d’altruisme reliés au fait de pouvoir aider les autres. « (…) nous sommes capables de nous encourager mutuellement parce qu’il y a des [personnes] bienveillantes; peut‑être que le fait d’avoir perdu l’espoir en pensant à ce qu’ils vivent est le pire. Et quand on entend parler de l’expérience d’autres personnes, on se dit “Je ne suis pas fou”. Je dois continuer. » [Traduction libre]
Expériences en lien avec le programme
Les participants ont apprécié plusieurs caractéristiques du programme :
- Un espace sûr, accueillant et respectueux : Ce que les participants au projet ont le plus apprécié, c’est l’espace sûr et respectueux offert par l’intervention, notamment l’attention portée à la sécurité physique et émotionnelle, ainsi que l’alimentation, qui ont favorisé la participation. « Honnêtement, le fait d’avoir de la nourriture sur place nous a beaucoup aidées (…) Parce que (…) je suis anorexique donc je n’aime pas manger, mais le fait de manger dans un environnement confortable avec d’autres personnes, et de manger des aliments plutôt sains (…) Je ne me suis pas sentie coupable de manger. J’avais l’impression que je pouvais manger devant ces gens et qu’ils ne me jugeraient pas, par exemple. » [Traduction libre]
- De l’information et des services de psychoéducation adaptés – Les participants ont souligné l’importance de l’information et de la psychoéducation proposées par le programme, ainsi que leur perspective sexospécifique. « Ça m’a simplement rendue plus consciente. Maintenant, je sais ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas quand il s’agit de violence fondée sur le genre. Je pense que c’est un point positif, et que c’est une bonne chose. » [Traduction libre]
- Partage d’expériences vécues – La moitié des participantes ont parlé de l’importance de partager des expériences vécues multiples, notamment le fait d’être une femme, d’être victime de VFS, et d’être récemment devenue itinérante. « La plupart du temps, ce ne sont pas des histoires (…) que l’on peut raconter à nos amis. C’était donc agréable de s’asseoir pour parler de choses vraiment insensées avec des gens qui sont passés par là eux aussi. » [Traduction libre]
Trajectoires de rétablissement
Les participants ont signalé les changements suivants, suite à leur participation au programme :
- Image de soi et confiance en soi – Les participants ont surtout décrit des améliorations de leur image de soi et de leur sentiment d’autonomie et de confiance. « Je crois plus en moi plus qu’auparavant. » « Je pense que je peux recommencer à faire des choses. »
- Santé et autosoins – Les participantes ont fréquemment décrit un engagement renouvelé envers leur santé personnelle, mentale, physique et émotionnelle et leur mieux‑être, ainsi que des améliorations dans ces sphères. « Une partie de la lutte consiste à s’aider soi‑même aussi. » [Traductions libres]
- Compétences et relations interpersonnelles – La plupart des participantes ont déclaré avoir mieux compris et amélioré leurs compétences et la dynamique interpersonnelles. Elles ont notamment décrit une prise de conscience et un respect accrus de leurs propres perspectives et de celles des autres, ainsi que la manière de gérer les différences.
- Espoir et perspectives – De manière générale, les participantes ont exprimé un sentiment d’espoir par rapport à leur avenir. « J’ai une vision plus positive de l’avenir qu’auparavant. » [Traduction libre]
Résultats 12 mois après l’inscription au programme
Le principal résultat du volet de recherche portait sur la qualité de vie. Les résultats secondaires comprenaient les expériences de victimisation, la résilience, la détresse psychologique, la consommation de substances, le niveau de maîtrise et les symptômes de stress traumatique. Le score global de qualité de vie a augmenté de manière significative sur 12 mois chez les participantes. De même, le sentiment de victimisation a diminué de manière significative sur 12 mois chez les participants, par rapport à la situation de départ. Aucun changement significatif n’a été observé dans les scores d’anxiété ou de dépression à 12 mois par rapport au niveau de base. De même, aucun changement significatif n’a été observé dans les scores des problèmes de consommation de substances et de résilience, ou dans les symptômes traumatiques à 12 mois (Bani‑Fatemi, Reid, Stergiopoulos, 2020).
Répercussions sur les politiques et la pratique
- Étant donné la prévalence de la VFS chez les jeunes itinérantes, il est urgent d’intervenir pour prévenir et améliorer les séquelles physiques, mentales et sociales de cette forme de violence.
- Une intervention psychoéducative en groupe, brève, présentant peu d’obstacles et qui tient compte des traumatismes, est acceptable pour les usagères et a une incidence positive sur leur qualité de vie, leur estime personnelle et leur confiance, ainsi que sur leurs compétences interpersonnelles et leurs relations, tout en diminuant leurs expériences de victimisation.
- L’intervention est évolutive et adaptable aux besoins d’autres populations vulnérables qui peuvent bénéficier d’un accès facile à des interventions de promotion de la santé fondées sur les traumatismes et dirigées conjointement par des pairs.
- Les pairs ont le pouvoir d’établir un climat de confiance en raison des similitudes d’âge, de culture et d’expériences vécues qui rendent leurs relations avec les participantes incomparables par rapport à celles offertes par les autres prestataires de services professionnels. Le développement de liens authentiques entre pairs a également servi de passerelle vers des services officiels, comme la consultation individuelle et le travail auprès de groupes de défense des droits.