Shape Your Life - Youth: Rapport final

Introduction

Le projet Shape Your Life (SYL) est un programme de boxe sans contact qui tient compte des traumatismes et de la violence et qui vise à améliorer la santé mentale et physique des survivantes de la violence familiale. L’Université Brock a reçu un financement de l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) (phase 1 : de 2016 à 2019) pour mesurer les effets du programme SYL sur les résultats en matière de santé mentale et physique de femmes identifiées comme survivantes de la violence familiale. La phase 1 a produit une base solide de données probantes détaillant les raisons pour lesquelles le programme SYL représente une intervention efficace.

L’objectif de la phase 2 (de 2019 à 2022) était d’adapter et d’élargir le programme SYL pour répondre aux besoins en matière de santé physique et mentale des jeunes (âgés de 13 à 18 ans) qui ont subi de la violence familiale.

Objectifs du programme SYL pour les jeunes 

  • Soutenir l’exécution et l’évaluation du programme SYL en l’adaptant aux jeunes.
  • Collaborer avec les organismes jeunesse communautaires pour offrir le programme SYL.
  • En collaboration avec chaque organisme communautaire, élaborer un programme d’accompagnement et des documents de formation tenant compte des traumatismes, afin que les accompagnateurs puissent offrir le programme SYL pour les jeunes en l’adaptant aux clients de l’organisme.
  • Évaluer le programme SYL et mesurer l’impact sur la santé physique et mentale des jeunes survivants de la violence afin d’établir une base de données probantes sur ce qui fonctionne pour les jeunes engagés dans des interventions offrant des activités physiques tenant compte des traumatismes.

Le financement de ce projet a été rendu possible grâce à une contribution de l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC), ainsi qu’à des contributions en nature de l’Université Brock, de la Mentoring Junior Kids Organization, de Mountain Plains Family Services, de Pathways Family Services et de Pathstone-Services de santé mentale.

L’ASPC a versé 395 080 $ du 1er août 2019 au 31 mars 2022 dans le cadre du programme Contribuer à la santé des survivants de violence familiale.

Contexte

Judith Herman (1997) et Bessel Van der Kolk (2014), d’éminents chercheurs en traumatologie, ont démontré que le traumatisme est maintenu dans le corps. Pour se remettre de la violence et des traumatismes, il faut être capable de se sentir responsable de son propre corps, dans toutes ses dimensions viscérales. Trop souvent, les survivants de la violence n’ont pas accès à des expériences physiques et corporelles qui contredisent directement à l’immobilisation, à l’impuissance, à l’effondrement ou à la rage qu’ils ont vécus et continuent de vivre dans le contexte de leur traumatisme (Van Der Kolk 2014).

L’intervention SYL engage les participants à une boxe sans contact, tenant compte des traumatismes et de la violence, pour les aider à se rétablir et à guérir de la violence. Comme le souligne Van Der Kolk, les traumatismes sont maintenus dans le corps des personnes. Pour se remettre de la violence, les survivants doivent être capables de se sentir responsables de leur propre corps. Le programme SYL offre une expérience physique, basée sur le corps, qui s’oppose directement à l’immobilisation, à l’impuissance, à l’effondrement ou à la rage vécus dans le cadre d’un traumatisme et de l’exposition à la violence familiale. De plus, le fait d’avoir subi de la violence pendant l’enfance a été lié au fait d’être victime de violence conjugale plus tard dans la vie (La violence familiale au Canada : un profil statistique, 2014 – pub. janv. 2016). Pour être efficaces, le traitement et la guérison de la violence et des traumatismes doivent prendre en compte la personne dans son ensemble, y compris le contact avec les corps (souvent dissociés). Pour se remettre de la violence, des abus et des traumatismes, le corps doit être vécu comme une source de plaisir et de confort (Van Der Kolk 2014).

Le programme SYL part du principe que les personnes ayant subi de la violence ont besoin de vivre des expériences physiques pour les aider à retrouver un sentiment viscéral de contrôle. Le programme tient compte des traumatismes, ce qui signifie que nous facilitons la sécurité et offrons des possibilités de contrôle et de choix aux participants. Les accompagnateurs du programme SYL pour les jeunes ont reçu une formation sur les approches tenant compte des traumatismes, afin qu’ils puissent mieux comprendre comment les traumatismes et la violence peuvent avoir des répercussions sur la vie des participants.

Activités et extrants principaux

L’intervention SYL pour les jeunes a été proposée à des jeunes âgés de 13 à 18 ans qui ont été victimes de violence familiale. Les participants ont été orientés par nos organismes partenaires qui travaillent avec les jeunes vulnérables en matière de violence familiale, notamment MJKO, un organisme de bienfaisance pour les jeunes de South Parkdale, à Toronto; deux organismes de placement familial à Edmonton, Mountain Plains et Pathways; et un organisme de santé mentale pour les jeunes à Niagara, Pathstone-Services de santé mentale.

Ce que nous avons fait : Au départ, nous avons proposé d’offrir des programmes en personne et de mesurer (quantitativement et qualitativement) les résultats en matière de santé mentale et physique des jeunes participants. Cependant, la pandémie de COVID-19 a radicalement modifié l’exécution de notre projet ainsi que les données qui en ont résulté et qui ont été recueillies et analysées. Mais nous avons persévéré!

Au cours de la première année du projet (année 1, du 1er août 2019 au 31 mars 2020), nous avons recruté, embauché et formé une équipe de chercheurs en Ontario et une équipe d’encadrement à Niagara et à Edmonton. Nous avons conçu et offert un programme de formation pour les accompagnateurs tenant compte des traumatismes et de la violence dans le cadre du programme SYL pour les jeunes à 31 entraîneurs et membres du personnel ou du conseil d’administration d’organismes jeunesse à Edmonton et à Niagara. Après avoir mené de manière fructueuse notre première session de six semaines du programme SYL pour les jeunes, nous avons commencé notre deuxième session en mars et, dès la deuxième semaine de cours, nous avons dû suspendre tous les programmes en personne en raison de la pandémie.

En avril 2020, l’organisme Mentoring Junior Kids Organization (MJKO) s’est officiellement joint au projet SYL pour les jeunes en tant que nouveau partenaire communautaire et a pris en charge l’accompagnement des jeunes en ligne pour le reste de la période de financement (année 2 et année 3 : du 1er avril 2020 au 31 mars 2022).

  • Deux ateliers sur l’encadrement tenant compte des traumatismes et de la violence ont été organisés dans le cadre du programme SYL pour les jeunes pour 18 entraîneurs, membres du personnel et membres du conseil d’administration de MJKO et de la collectivité de South Parkdale.
  • Une série en six parties intitulée « Beginning Boxing Series » a été élaborée et publiée sur la chaîne YouTube de MJKO. Elle présente les accompagnateurs et les principes de base de la boxe (position, comment donner un coup de poing direct, etc.) afin de permettre aux jeunes de se sentir en confiance pour participer aux cours en ligne « en direct » ou « sur demande ».
  • La prestation de cours EN LIGNE pour les jeunes en collaboration avec le programme SYL et MJKO (boxe et programmes sociaux tenant compte des traumatismes et de la violence) a été lancée avec 14 cours en ligne (boxe et activités sociales en ligne) offerts par le personnel de MJKO cinq jours par semaine (du lundi au vendredi).
  • Chaque semaine, onze cours de boxe étaient proposés, ainsi que trois cours d’activités sociales/non sportives. Sur les onze cours de boxe, dix étaient ouverts à tous les jeunes en ligne et un était un cours privé pour les jeunes en foyer d’accueil à Edmonton. Tous les cours (à l’exception des cours particuliers organisés pour les jeunes vivant en famille d’accueil) ont été affichés en ligne, et les jeunes pouvaient les suivre « sur demande ».
  • Concours d’art pour la journée du chandail orange du 1erau 30 septembre : Comme beaucoup de nos jeunes participants à Edmonton sont des Autochtones, nous voulions reconnaître les répercussions continues des pensionnats ainsi que le devoir des Canadiens et de l’État de reconnaître et de corriger cette injustice. MJKO a créé un événement pour la journée du chandail orange. Les jeunes participants ont été invités à dessiner et à envoyer une photo de ce que la journée du chandail orange signifiait pour eux. Un jury composé de membres du personnel du programme SYL et de MJKO et de travailleurs sociaux des agences de placement familial a été sélectionné pour examiner toutes les candidatures. Un dessin gagnant a été retenu, et des chandails ont été imprimés et envoyés à tous les jeunes participants du programme SYL/MJKO afin qu’ils aient un chandail orange à porter le 30 septembre, Journée nationale de la vérité et de la réconciliation.
  • Comme le décrit plus en détail le rapport final complémentaire, au cours de la période de financement, de nombreuses restrictions imposées par les provinces (fermetures obligatoires et ouvertures avec des limites de capacité et des exigences liées aux preuves de vaccination) ont eu des répercussions considérables sur la capacité des jeunes participants à accéder aux programmes.

Activités de diffusion et d’échange de connaissances

  • Des manuels pour l’encadrement tenant compte des traumatismes et de la violence du programme SYL pour les jeunes (en français et en anglais) sont gratuits et peuvent être téléchargés à partir du site web du programme SYL.
  • Conférences et présentations communautaires : Au cours de la période de financement, deux conférences virtuelles (Australie et Bruxelles) ont eu lieu, les cours du programme SYL pour les jeunes ont été diffusés en ligne (sur demande) et une présentation communautaire sur les apprentissages a été organisée pour les directeurs généraux des deux organismes de placement familial à Edmonton.
  • Publication d’érudition/de recherche 
    • Gammage, K., Van Ingen, C. et Angrish, K. (2021), « Measuring the Effects of the Shape Your Life Project on the Mental and Physical Health Outcomes of Survivors of Gender-Based Violence ». Violence Against Women. Disponible en ligne à l’adresse suivante : https://doi.org/10.1177/10778012211038966. Ce manuscrit est issu de l’étude de phase 1 – publiée en 2021 – et détaille davantage les répercussions du projet SYL sur la santé des survivantes de la violence.

Résultats globaux du projet

Données quantitatives

Chiffres du projet SYL pour les jeunes  

  • Plus de 800 jeunes participants.
  • 46 accompagnateurs, travailleurs des services à la jeunesse, chercheurs et bénévoles ont suivi l’atelier sur l’encadrement tenant compte des traumatismes et de la violence du programme SYL pour les jeunes.
  • Portée/expositions des médias sociaux (d’avril 2021 à mars 2022) : 1 089 815

(Remarque : ce chiffre comprend le nombre de visiteurs des sites web du programme SYL et de MJKO, et le nombre total d’expositions sur plusieurs médias sociaux/plateformes en ligne, qui ne peuvent être rattachées à un usage individuel.).

  • 98 % des 172 participants interrogés ont signalé des changements dans leurs connaissances ou leurs compétences depuis le début du projet.
  • 96 % des 172 participants interrogés ont signalé des changements de comportement (c’est-à-dire l’utilisation des connaissances ou des compétences acquises dans le cadre de la participation au projet).
  • 98 % des 172 participants interrogés ont fait état d’une amélioration de leur état de santé (c’est-à-dire de leur santé physique et/ou mentale).

Données qualitatives

Les participants ont été invités à fournir une rétroaction anonyme dans le cadre d’une courte enquête en ligne. Nous avons également interrogé tous les accompagnateurs et 26 jeunes participants afin de recueillir des commentaires plus approfondis sur le programme. Voici quelques courts extraits des commentaires recueillis.

  • « Ce (programme) me rend plus confiant, comme un bon coup de pouce. Je me suis amélioré et je suis capable de répondre lorsque les accompagnateurs me parlent et de ne pas m’effondrer pendant une réponse, et cela me donne un moyen de m’exprimer. J’ai besoin d’un espace sûr pour m’exprimer. » [Participant]
  • « J’ai l’impression que physiquement, lorsque je fais de l’exercice pendant les cours, je fais une faveur à mon corps, je fais quelque chose de productif. Je me sens fort, productif. » [Participant] 
  • «Une autre chose que j’ai appris à dire lorsque je donne des instructions est de toujours répéter des choses comme fais ce qui est le mieux et le plus confortable pour ton corps… C’est très important parce que notre travail consiste à nous assurer que les jeunes se sentent d’abord en sécurité lorsqu’ils s’entraînent. La seule personne qui sait ce qui est bon pour son corps, c’est la personne elle-même. » [Accompagnateur] 
  • « Ce fut un plaisir de travailler en partenariat avec Shape Your Life. Je n’aurais jamais cru que je donnerais des cours virtuels de mon vivant. Pendant que le monde entier était touché par la COVID, le programme SYL nous a donné une bouée de sauvetage pour atteindre un grand nombre de communautés à travers le Canada en offrant des cours de boxe virtuels en ligne. J’étais plus conscient de la manière dont je formulais mes instructions de boxe et dont je fournissais une rétroaction constructive, afin de créer un environnement sûr et accueillant pour tous. Souvent, les élèves étaient stressés ou distraits, et les cours de boxe et la façon dont nous les avons abordés ont permis de mobiliser et de soutenir plus de jeunes que je ne l’aurais jamais imaginé. J’ai tellement appris… mais je ne veux plus être accompagnateur en ligne, je préfère travailler avec les jeunes en personne. »[Accompagnateur]
  • « Travailler avec l’équipe de Shape Your Life sur ce projet exceptionnel a été une expérience incroyable. J’ai appris les meilleures pratiques pour animer des cours de boxe adaptés aux traumatismes. Cela a vraiment fait une différence, car cela m’a aidé à intégrer de nouvelles façons d’interagir avec les jeunes et de les encadrer… En tant qu’équipe, nous avons pu comprendre et prendre le temps d’écouter les histoires de nos jeunes. De nombreux jeunes qui viennent faire de la boxe ont connu des difficultés et des combats, et certains doivent encore y faire face quotidiennement. Il s’agit d’écouter et d’être capable de créer un espace où ils peuvent être eux-mêmes et avoir quelqu’un et/ou un lieu en qui ils peuvent avoir confiance. Je pense que MJKO a été capable d’accomplir cela et continuera à le faire. Ici, les jeunes qui viennent à MJKO devraient toujours repartir plus heureux que lorsqu’ils sont arrivés. » [Accompagnateur]

Nous avons également voulu tirer parti de nos apprentissages globaux pour réfléchir plus généralement à « ce qui a fonctionné (ou non), pour qui et dans quels contextes » afin d’améliorer les résultats en matière de santé pour les survivants de la violence du programme SYL. Voici quelques réflexions supplémentaires.

  • Les jeunes du système de protection de l’enfance (y compris les jeunes vivant en famille d’accueil) manquent cruellement de ressources et sont souvent négligés pour ce qui est de l’accès à une activité physique tenant compte des traumatismes et de la violence. Les organismes de services familiaux sont bien placés en tant que partenaires communautaires pour aider à combler ce fossé et travailler en partenariat avec des programmes comme le programme SYL. 
  • La prestation en ligne des programmes d’activité physique tenant compte des traumatismes et de la violence fonctionne mieux lorsqu’ils ne durent pas plus de 30 minutes, ce qui est très différent des programmes en personne qui sont souvent prévus pour une durée plus longue. Le besoin de cours hebdomadaires plus courts s’est fait sentir, car les participants passaient une grande partie de leur vie scolaire et sociale en ligne pendant la pandémie. Nous avons également découvert l’importance de proposer des « classes sociales » avec un plus large éventail d’activités pour les jeunes. Par exemple, des cours de cuisine, de karaoké et d’art étaient également proposés en ligne. Ces « classes sociales » étaient un moyen important pour les participants et les accompagnateurs de participer de façon plus personnelle et offraient différentes possibilités de créer des relations positives avec les participants.
  • Il est également important de noter que nous avons aussi été témoins de disparités importantes touchant les jeunes pendant la pandémie. Par exemple, de nombreux jeunes qui participeraient à des programmes en personne (avec une aide au transport, un accès gratuit à une alimentation saine, etc.) ne pouvaient pas participer régulièrement en ligne, souvent en raison du manque d’accès à Internet, de l’espace disponible à la maison et/ou du soutien familial. De même, dès que la salle de boxe a pu rouvrir et que nous avons pu reprendre certaines séances en personne, nous avons dû permettre l’accès au moyen de preuves de vaccination contre la COVID-19 exigées par les provinces. Plusieurs jeunes n’ont pas pu participer, car l’hésitation relative aux vaccins dans certains groupes de la collectivité a fait en sorte que plusieurs enfants et jeunes n’ont pas pu revenir pour participer aux programmes en personne lorsque ceux-ci ont repris.

Prochaines étapes

L’impact durables du projet SYL pour les jeunes comprennent la formation de 46 accompagnateurs, employés et bénévoles sur des approches tenant compte des traumatismes et de la violence qui continueront à élargir la portée du programme SYL. De plus, quatre nouveaux organismes ont reçu une formation et participent maintenant davantage à la prestation de programmes d’activité physique tenant compte des traumatismes et de la violence : Mentoring Junior Kids Organization (MJKO), Mountain Plains Family Services, Pathway Family Services et Pathstone-Services de santé mentale.

Au cours des trois dernières années de fonctionnement du programme SYL pour les jeunes, plusieurs personnes et organismes nous ont contactés pour obtenir des renseignements sur la mise en œuvre de programmes similaires. Par exemple, un professeur et chercheur de l’Université de Melbourne, qui travaille avec des survivants d’abus sexuels et de traumatismes dans l’enfance, s’est rendu à Toronto en avril 2022 pour rencontrer le personnel du programme SYL et en apprendre plus sur le projet Shape Your Life.

Le projet SYL prévoit de reprendre les programmes (en personne) à l’automne 2022, lorsque (nous l’espérons) nous serons dans un environnement post-pandémique et qu’il sera plus sûr de participer à des activités en personne.